Éclairage

Comment permettre à ses enfants de se constituer un capital pour un achat immobilier ?

12/01/2024

Eclairage de Thomas Prud'Homoz, notaire associé

Alors que l’accès à la propriété immobilière est de plus en plus complexe, le recours à l’aide des parents est presque devenu indispensable. Le point avec Thomas Prud’Homoz, notaire associé au sein de l’étude KL Conseil.   

 

Quels sont les principaux dispositifs qui permettent aux parents d’aider leurs enfants à faire l’acquisition d’un bien immobilier ?  

Il existe deux principaux dispositifs pouvant être utilisés par les parents pour aider leurs enfants dans le cadre d’une acquisition immobilière.  

Le premier consiste à transmettre par le biais d’une donation.  

Une donation sera alors fiscalisée après l’application d’un abattement de 100.000 euros, utilisable tous les 15 ans. Il est possible de cumuler cet abattement avec l’exonération applicable, également tous les 15 ans, aux dons familiaux de sommes d’argent (le don est exonéré de droits de donation jusqu’à 31 865 euros).  Pour bénéficier de cette dernière, il convient de respecter plusieurs conditions : les parents doivent avoir moins de 80 ans et les enfants doivent être majeurs.  

Autre outil fréquemment utilisé par nos clients : le prêt familial. Celui-ci présente l’avantage de pouvoir être réalisé sans intérêts à verser. Ce prêt doit faire l’objet d’un écrit pour toute somme supérieure à 1500 euros. En outre, s’il porte sur une somme d’argent supérieure à 5000 euros, le prêt doit être porté à la connaissance de l’administration.   

Le bénéficiaire doit être en mesure d’établir qu’il est en capacité de rembourser la somme prêtée, sans quoi l’administration fiscale risque de remettre en cause l’opération et la requalifier en donation déguisée.  

Ces deux mécanismes permettent aux enfants de collecter un apport budgétaire permettant de financer un achat immobilier ou d’obtenir un prêt bancaire. 

 

Quid de l’achat en commun parents / enfants ?  

Même si cela est moins fréquent en pratique, on observe que certains clients réalisent l’achat immobilier au côté de leurs enfants, voire avec eux. Un tel dispositif prend notamment tout son intérêt lorsque les enfants sont dépourvus de toute capacité de crédit ou se sont vus refuser toute obtention de crédit pour financer un achat immobilier. La participation des parents à l’acquisition rassure et incite les banques à accorder le prêt. Une telle opération peut se réaliser au moyen d’une société civile immobilière (SCI), au sein de laquelle les parents sont minoritaires et les enfants majoritaires.  

 

Est-ce que le contexte économique actuel dissuade les parents de prêter leur concours aux acquisitions immobilières de leurs enfants ? Faut-il instaurer des aides supplémentaires ?  

Depuis quelques mois, l’accès à la propriété se raréfie, ceci principalement en raison de la hausse des intérêts. Ce contexte rend l’aide des parents encore plus cruciale. Il serait souhaitable que le législateur encourage les parents à réaliser des donations en mettant en place des régimes de faveur ou des avantages fiscaux.  

On peut songer à l’octroi d’abattements spécifiques, notamment pour la rénovation énergétique. Seule difficulté, il n’y a actuellement aucune certitude que cela fasse partie des priorités du gouvernement.  

Il existe une autre possibilité qui consisterait à aligner l’abattement de 100 000 euros accordé aux donations consenties par les parents à leurs enfants, aux donations accordées par les grands-parents à leurs petits-enfants. 

 

On peut aussi aider ses enfants en leur transmettant un bien dont nous avons la propriété. Dans cette hypothèse, comment éviter que la transmission immobilière génère des litiges familiaux entre les héritiers ? 

En cas d’héritiers multiples, il convient de privilégier la donation-partage qui consiste, de son vivant, à donner et répartir entre les héritiers présomptifs, ayant vocation à succéder et recueillir sa succession. Celle-ci a l’avantage de transmettre par avance les biens d’une future succession et de figer les valeurs au jour de la donation. Cela signifie que si le bien donné prend de la valeur entre le jour de la donation et le décès du donateur, l’éventuelle valorisation ne sera pas prise en compte. Pour ces raisons, nous encourageons vivement nos clients à opter pour la donation-partage tant pour les donations qui porteraient sur des biens que pour celles qui porteraient sur des sommes d’argent. 

S’agissant du prêt ou de l’acquisition en commun, il y a lieu de noter que l’absence d’intérêt peut également être aujourd’hui source de conflit entre les héritiers. En effet, alors qu’une aide sans intérêt pouvait paraître relativement neutre à l’époque des taux bas, elle peut engendrer des litiges à une époque de taux hauts. Les héritiers ont en effet plus conscience de l’avantage conféré au bénéficiaire du prêt. Afin de palier cela il peut être envisager de recourir au prêt de manière équitable entre ses enfants, ou de prévoir un taux d’intérêt ou une indexation sur la valeur du bien financé.